Volant dans les airs à califourchon sur son manche à balai, ainsi est représentée la sorcière dans l’iconographie populaire, « image d'Épinal », recouvrant une réalité historique complexe, faite de savoir chamanique et de persécutions. Croyances anciennes dans lesquelles survivent les cultes païens de la fertilité du monde antique, que certains, dont la Wicca, font remonter à la fin du paléolithique.
Historiens et chercheurs estiment aujourd’hui le nombre de leurs victimes entre 50 et 100 000 sur les deux siècles où tant les tribunaux de l’Inquisition que ceux de la Réforme les conduisent au bûcher. Un chiffre élevé en proportion de la population européenne de l’époque. Et ce sont, pour 80 % de ces victimes, des femmes. Les 20 % restants étaient des hommes relevant pour la plupart de la catégorie des « errants ». pauvres hères et vagabonds, « gens du voyage », juifs ou homosexuels.
Ces femmes (et quelques fois leurs enfants, surtout s’il s’agissait de filles), appartenaient le plus souvent aux classes populaires. Une toute petite minorité d’entre elles pouvait être considérée comme étant d’authentiques criminelles (ce fut le cas de la Voisin, sous Louis XIV, par exemple) coupables d’homicide, ou de malades mentales. La grande majorité était au contraire de tous âges et de toutes conditions, et de diverses confessions religieuses, souvent sages-femmes ou guérisseuses. Leurs remèdes se basaient sur une pharmacopée traditionnelle, breuvages, infusions ou décoctions de racines et d’herbes, les « simples ». La population, essentiellement rurale, n’avait guère d’autre recours pour se soigner. Toutes torturées, et brûlées vives, parce que jeunes, parce que vieilles, parce que femmes, le plus grand des péchés qui leur était reproché par les autorités du temps. Un moyen horrible de savoir si une femme était une sorcière consistait à la jeter nue à l’eau, les mains et pieds attachés ensemble pour l’empêcher de surnager. Une sorcière étant — en théorie — plus légère que l’eau, si elle flottait, elle était aussitôt repêchée et brûlée vive. Si elle se noyait, c’est qu’elle était morte innocente. Duer, professeur d’ethnologie allemand, dans son ouvrage Nudité et pudeur, estime que cette pratique, si choquante par l’exhibition qu’elle provoquait, fut peu utilisée. Mais il y a plusieurs textes et dessins démontrant que cela a existé plusieurs dizaines d’années au Moyen Âge.
Si, durant le Moyen Âge, les persécutions sont surtout dirigées contre les hérétiques (Cathares ou Vaudois), c’est, curieusement, à partir des Temps modernes, après la découverte des Amériques, au moment où commence à poindre l’Humanisme et où l’imprimerie fait son apparition, que commence cette persécution que d’aucuns et particulièrement les féministes ont qualifiée de sexiste (probablement la seule de l’histoire), que d’autres ont appelée génocide. Les estimations du nombre des victimes des historiens d’aujourd’hui ne prennent en compte que les personnes décédées durant les séances de torture ou sur les bûchers et non celles qui sont mortes des suites de la torture, consentie et même explicitement demandée dans plusieurs bulles pontificales, et qui pourraient avoir été plusieurs centaines de milliers. C’est, en quelque sorte, quand le monde de l’époque se mondialise, dirait-on aujourd’hui, que le phénomène prend de l’ampleur. Il semble que la peur que cette mondialisation suscite ne puisse être l’unique raison qui pousse à diaboliser un sexe et à l’utiliser comme bouc émissaire.
Si l’on remarque par ailleurs le fait qu’à la même époque deux corps de métiers vont jouer un plus grand rôle économique, ceux des médecins et des clercs, on comprend que les femmes, qui jouissaient d’une liberté plus grande qu’on ne pouvait le croire quant à l’exercice d’un métier jusqu’à la fin du Moyen Âge, puissent avoir été visées par la menace d’éventuelles persécutions, les convainquant de se retirer dans leur foyer et de renoncer à toute activité en dehors de celui-ci.
Si le terme « génocide » n’est apparemment pas le plus approprié, de nombreux féministes définissent aujourd’hui cette traque à la sorcière comme un crime contre l'humanité, certaines, comme par exemple sur le site Sisyphe, précisant que c’est un gynécide. Un manuel rédigé par deux Dominicains fut publié au XVIe siècle pour établir les critères permettant de le perpétrer, le Malleus Maleficarum ou Marteau des sorcières. Celui-ci n’a jamais été désavoué, de même que jamais jusqu’à ce jour ce crime n’a été officiellement reconnu comme tel par les autorités religieuses qui l’ont commis.
Les femmes des classes privilégiées échappèrent aux persécutions, même si le scandale éclaboussa parfois la Cour, comme ce fut le cas lors de l’affaire des poisons, et Catherine de Médicis n’hésita pas à en utiliser pour éliminer quelques personnages politiquement gênants de son entourage.
Les « chasses aux sorcières » connaissent deux vagues : la première de 1480 à 1520 environ, puis la seconde de 1560 à 1650. Mais dès les années 1400-1450, le portrait de ce qui deviendra une « image d’Épinal » par la suite se dessine, et les dernières persécutions se terminent vers la fin du XVIIe siècle. Les dernières brûlées en Europe sont Anna Göldin dans le canton de Glaris de la Suisse protestante en 1782, et une ou deux autres en 1793 dans la très catholique Pologne, au XVIIIe siècle donc.
À Bournel en France une femme accusée de sorcellerie fut brûlée par des paysans le 28 juillet 1827.
Alors qu’on associe généralement plus volontiers Moyen Âge et sorcellerie, les XVIe et XVIIe siècles ont connu les vagues de persécutions les plus horribles. Auparavant les sorciers sont des hommes et des femmes, les procès en sorcellerie deviennent presque exclusivement à l’encontre des femmes. Le paroxysme est atteint lorsque les tribunaux civils supplantent ce monopole d’Église.
Le pasteur allemand Anton Praetorius de l’église réformée de Jean Calvin édita en 1602 le livre De l’étude approfondie de la sorcellerie et des sorciers (Von Zauberey und Zauberern Gründlicher Bericht) contre la persécution aux sorcières et contre la torture.
En ce qui concerne Melinda Warren, la 1ère sorcière de la lignée Halliwell, elle fut brulée sur le bûcher au début du XVIIème siècle, vers la toute fin des persécutions donc.
.: L'époque moderne :.
Le premier à réhabiliter les sorcières fut Jules Michelet qui leur consacra un livre en 1862 (et je suis fière parce que je travaille à l'école Jules Michelet =D). Il voulut ce livre comme un « hymne à la femme, bienfaisante et victime ». Michelet choisit de faire de la sorcière une révoltée en même temps qu'une victime et il réhabilite la sorcière à une époque où elle avait totalement disparu derrière l'image du diable. Dans ce livre, Michelet accuse l'Église d'avoir organisé cette chasse aux sorcières, pas seulement au Moyen Âge mais aussi au XVIIe siècle et au XVIIIe siècle. Le livre eut des difficultés à trouver un éditeur et provoqua un scandale. Michelet se défendit en présentant son livre comme un travail d'historien et non de romancier. Mais il ne leur reconnaît pas véritablement le droit à l'émancipation. Il faut attendre les mouvements féministes des années 1970 pour voir apparaître le thème sous un jour positif. Les représentantes de ces mouvements s'en sont emparé et l'ont revendiqué comme symbole de leur combat. On notera par exemple la revue Sorcières de Xavière Gauthier, qui étudiait les « pratiques subversives des femmes ».
Un tournant particulier eut lieu au début du XXe siècle lorsque l'égyptologue Margaret Murray soutint dans The Witch-Cult in Western Europe (1926) que les assemblées décrites par les accusées relateraient des rites réels et que la sorcellerie serait une religion très ancienne, un culte préchrétien de la fertilité que les juges réduisaient à une perversion diabolique. Margaret Murray s'inspirait en cela des thèses émises dans Le Rameau d'or (1911) de Sir James Frazer. Si presque tous les historiens de la sorcellerie s'accordent aujourd'hui sur le fait que les travaux de Murray sont non scientifiques et fondés sur une manipulation volontaire des documents, ils eurent à l'époque une large diffusion puisque ce fut à Murray que fut confiée la rédaction de l'article "Witchcraft" de l'Encyclopædia Britannica.
La sorcière est montrée sous un jour favorable à travers de nombreuses œuvres de fiction, et les membres de la Wicca se revendiquent comme les héritiers d’un culte auquel auraient appartenu les sorcières du temps des persécutions.
Certains des chrétiens attachés à une interprétation littérale de la Bible peuvent ne pas partager cet engouement, du fait du commandement exigeant de mettre à mort les magiciennes.
~ Le mythe du pacte avec le diable ~
Vers la fin du XVe siècle, de nombreux Européens cultivés croyaient que les sorcières pratiquaient de nombreuses activités diaboliques en plus de la magie noire. Ils croyaient que les sorcières faisaient un pacte explicite personnel avec le diable. Le pacte avec le diable donnait à la sorcière le pouvoir d'accomplir des maléfices et la faisait entrer au service du diable. Les sorcières acceptaient alors de rejeter la foi chrétienne et d'être rebaptisées par le diable en guise de soumission. Le diable appliquait une marque sur la sorcière. Cette croyance était surtout partagée par les classes dominantes et cultivées de l'époque. En effet, les classes populaires avaient tendance à plus se focaliser sur la capacité de la sorcière à nuire plutôt que sur son lien avec le diable.
Le pacte avec le diable est une notion très ancienne et a une origine qui remonte avant le Moyen Âge. Par ce pacte, la sorcière était censée conclure un accord semblable à un contrat juridique obligeant le diable à fournir la richesse et des pouvoirs a la sorcière en échange de sa soumission et son âme après sa mort . Les thèmes du vol nocturne, de la transformation en animal, de l'assemblée autour d'une figure surnaturelle, participaient déjà du monde de la sorcière. Par contre, l'association de la sorcière au démon, au crime et à la sexualité fut une théorie démonologique qui se construisit peu à peu au cours du XVIe siècle. Les ingrédients du sabbat (le terme même de sabbat, sa description comprenant un culte organisé voué à des démons nommés Diane, Hérodiade ou Lucifer, leur présence sous une forme semi-animale, les orgies, la profanation des sacrements) furent élaborés sous l'influence des théologiens et les inquisiteurs, du milieu du XIIIe au milieu du XVe siècle, diffusés à travers des traités de démonologie comme le Malleus Maleficarum ou des prédications comme celles de saint Bernardin de Sienne, puis entérinés par les membres laïcs des cours de justice ou des parlements. Les accusées étaient forcées de souscrire, sous la torture ou la pression psychologique, à cette vision des choses. Leurs aveux confirmaient aux yeux de beaucoup la validité de cette description et contribuèrent à la répandre.
~ Le mythe du vol des sorcières ~
Les sorcières se réunissaient périodiquement pour se livrer à de nombreux blasphèmes. Les sorcières devaient se rendre rapidement vers les lieux de réunions qui se tenaient en général dans des endroits très isolés. La croyance était que les sorcières utilisaient un pouvoir du diable pour se déplacer rapidement.Soit les sorcières se déplaçaient en volant sans moyen particulier, soit transportées par une rafale de vent ou bien par la seule vertu de leurs pouvoirs magiques. Dans certains cas, la sorcière se servait d'un onguent pour voler. Mais la croyance la plus répandue était que les sorcières utilisent un balai pour se déplacer.
Des sorcières utilisaient des animaux magiques pour se déplacer ou bien le diable lui-même transportait la sorcière. Parfois les sorcières laissaient leur balai dans leur lit après lui avoir donné leur apparence pour tromper leurs maris. Le balai est un attribut des activités féminines, et son utilisation dans la représentation des sorciers pourrait s'expliquer par la prépondérance des femmes parmi les sorciers. La sorcière vole la nuit, généralement lors de la pleine lune. La sorcière et la lune vont de pair. Cette idée remonte à l'époque du culte de Diane. Les fidèles de Diane, la déesse romaine de la Lune, croyaient qu'elles pouvaient voler les nuits de pleine lune quand Diane était présente. Ces femmes utilisaient pour cela un onguent à base de drogue. D'après des spécialistes, l'onguent était constitué d'un mélange de jusquiame, de belladone, de mandragore, de ciguë, de nénuphar et d'un narcotique. Les femmes qui s'enduisaient le corps de cet onguent entraient dans une transe et avaient l'impression d'être transportées au sabbat, d'où la légende de l'onguent magique.
~ Le mythe de la sorcière dévoreuse d'enfants ~
Les sorcières étaient réputées faire des repas cannibales d'enfants ou utiliser des cadavres d'enfants pour préparer des poudres ou des onguents magiques. Et, dans la croyance de l'époque, les sorcières avaient pour habitude de transmettre l'art de la magie de génération en génération ou bien de corrompre les enfants. La place des enfants dans la chasse aux sorcières est cruciale. Les vagues les plus importantes de bûchers furent accompagnées de phénomènes de grande ampleur concernant les jeunes enfants. Des enfants sorciers furent signalés partout en Europe. La condamnation de la mère pour sorcellerie faisait retomber des soupçons sur les enfants. De plus les aveux étaient facilement soutirés aux enfants.
En Russie, en Pologne et en République tchèque, selon la légende, des sorcières de nuit appelées notchnitsa sévissaient en se glissant pendant la nuit dans la chambre des nourrissons pour les pincer, les mordre et leur sucer du sang. Mais si un adulte intervenait, elles disparaissaient comme par enchantement.
~ Les animaux de compagnie de la sorcière ~
Les sorcières vivent entourées de leurs animaux favoris qui viennent leur apporter des aides magiques. Tous ces animaux (le chat noir, le corbeau, le crapaud, l'araignée, le rat, le lièvre) ont en commun avec leur maîtresse d'être redoutés et mal-aimés : ce sont autant de reflets d'elles-mêmes. Paul Sébillot rapporte que l'on pouvait reconnaître une sorcière se rendant au sabbat parce qu'elle avait « un petit crapaud sur le blanc de l'œil contre la prunelle ou au pli de l'oreille. ».
Ainsi avaient-elles le pouvoir de se métamorphoser, ce qui leur permettait de commettre leurs méfaits sans être reconnues. Sous forme de lièvres, les sorcières avaient coutume de se réunir en congrès. La rapidité que leur offrait cette forme leur permettait d'échapper à leurs poursuivants. Les longues oreilles étaient une aide précieuse pour espionner sans être vues. La patte de lièvre est considérée comme un porte-bonheur, preuve qu'une sorcière avait été mutilée de sa main, et donc privée de ses pouvoirs. Le hibou a été associé à la sorcière car il est un animal nocturne, avec de grands yeux pour espionner, et un cri parfois effrayant et associé à un présage funeste.
Les animaux servent de compagnie à la sorcière, qui vit seule et n'a pas pas de famille ou d'ingrédients pour les potions, filtres...
~ La plus célèbre ~
Jeanne d'Arc a été accusée d'être une sorcière. Les raisons de cette accusation étaient qu'elle était originaire de Lorraine, province réputée pour la sorcellerie, la magie et le paganisme, et qu'elle a avoué avoir entendu pour la première fois des voix au pied de l'arbre enchanté de Bourlemont, qu'elle possédait le don de guérir les malades, que ses partisans l'adoraient presque comme une déesse. Après sa mort sur le bûcher, le bruit courut qu'elle était toujours vivante. Capturée par les Bourguignons, elle est livrée aux Anglais et est soumise à un procès en sorcellerie. Le procès se déroule à Rouen à huis-clos sous la conduite de l'évêque Cauchon du 9 janvier au 28 mars 1431. Jeanne est brûlée vive le 30 mai 1431. La révision de son procès commença en 1450. Jeanne d'Arc fut réhabilitée en 1456, béatifiée en 1909 et canonisée en 1920 et n'est à aucun titre considérée comme une sorcière de nos jours..
(source: Wikipedia)
~ Pour conclure ~
De nos jours, l'image de la sorcière créature maléfique demeure, c'est un archétype de l'imaginaire européen, qui prend le pas sur la réalité historique du génocide sexiste. Ainsi, dans les oeuvres de fiction, on continue de l'employer comme la "méchante" de l'histoire, comme dans Winx Club par exemple. Mais d'autres fictions (Harry Potter, Charmed, Sabrina...) font des sorcières des personnages bons, au contraire.
Dans Charmed, les soeurs Halliwell n'ont pas à craindre le bûcher, au pire c'est la curiosité et l'incompréhension qui l'emporterait si leur secret était révélé. Sorcières modernes, pratiquantes de la Wicca, elles ne volent pas sur des balais, ne se transforment pas en animaux et utilisent toutes sortes de plantes pour fabriquer des potions. Ce sont des personnages bénéfiques, qui luttent contre toutes les Forces du Mal pour protéger les innocents et faire triompher la lumière.